The Belgian ZERO artist Jef Verheyen (1932-1984) became known as the painter of light streams and colour spectra. He experimented not only with light, but also with movement and the invisible as means to evoke natural mechanisms and to reveal universal interrelationships between human beings and the surrounding world. He used geometric principles – his passion for geometry was born out of his interest in mathematics and (Greek) philosophy – as the basis for harmony. Verheyen never gave up on traditional media and materials such as the canvas, paint, and brushes to search for the essence of our nature. 

Jef Verheyen

AB = BC (FR), 1963
Text

AB = BC

 

Prétendre qu’il n’y a pas de ligne droite dans la réalité est peut-être absurde, vu qu’on peut difficilement séparer le monde idéel du monde réel, et vu L’un monde doit nécessairement être la suite de l’autre, mais celui qui prétend qu’une ligne droite doit exister pour que l’on puisse connaître une ligne courbe est à côté de la question.

            Le cubisme a peur-être bien contribué à un certain progrès ; il était révolutionnaire en son temps, mais malgré tout, les poules continuent  de pondre des œufs qui sont ronds ; et les planètes continuent d’être sphériques. En effet, Mondriaan a redressé les courbes ; son système se réduisait à l’horizonte-vertical,  modèle qui est en opposition totale à la réalité et qui par là continue peut-être de rester abstrait. Il n’y a que le monde idéel où tout est droit, horizontal et vertical, il n’y a que l’abstraction où  le mouvement des choses soit rectiligne.

            C’est un fait: les derniers phénomènes architecturaux reposent sur le concept de construction cubiste : mais les possibilités offertes par le béton précontraint ne sont-elles pas bien plus grandes? La ligne et le plan courbe ne se neutralisent-ils pas, cette construction n’est-elle pas un trop-plein, un vide véritablement plein ?

            Tout dépend probablement de la représentation ou des différentes façons dont on observe un phénomène, que le Soleil soit cercle pour l’un, disque plat pour l’autre, volume statique aussi bien que dynamique pour un troisième, cela n’exclut pas qu’en fait le phénomène Soleil est toutes ces choses à la fois.

            Abstractions – symbolique – volume ne sont naturellement que les différents noms du même phénomène mais qui indiquent la façon dont quelqu’un observe quelque chose. Si je traçais ici un cercle, si je le divisais par la ligne horizontale AC et si par le centre B je traçais la verticale A’C’, personne ne révoquerait en doute le fait que AB est égal à BC.

            Mais je me demande pourquoi ce cercle et ces lignes devraient être observés sur une surface plane. Ce cercle et ces droites ne vaudraient-ils pas la sphère et les courbes, et ainsi l’ensemble ne s’ approcherait-il pas plus de la réalité?

            Ne serait-on pas un peu plus près du phénoménal ?

 

 

                                                                                                                      Jef Verheyen

Published in

Galerie Bernard, exh. cat..,1964?
MARDI SAMEDI n°4 Paris, mai 1965: p. 44. (Alongside colour sketch drawing AB = BC)