Jef Verheyen
Essentialisme = 0 + 1, 1962
Essentialisme = 0 + 1
Belle illusion que tous les chemins mèneraient à Rome ! Le nombre de routes aux destinations finales réelles est, au contraire, très réduit. Si les chemins de traverse vous conduisent à la voie principale (encore faut-il choisir la bonne direction), cela ne signifie pas encore que la route principale incarne la fin du voyage.
La route demeure moyen, commencement et fin, « la route qui monte et qui descend », mais le but se trouve à l’extrême limite de vos efforts –de vous-même.
Ceux qui prennent cette voie sont conditionnés par l’unité, par tout et tous - c’est une évolution qui cerne le connu et que dirige le savoir.
Personne ne peut dire avec certitude s’il est ICI ou AILLEURS; en fait, qui peut nommer l’endroit où il se trouve ? en revanche, que de liens l’assurent qu’il est chose définie, qu’il appartient àµune espèce déterminée…
On ne peut jamais définir aux autres la nature exacte de ce qu’on poursuit, jamais totalement sentir avec plénitude; parfois cependant, on conçoit l’idée.
Quand l’intuition vous donne tout à coup la compréhension, celle-ci ne peut être inconscients et ne s’obtient pas gratuitement. Celui qui est animé par une force inconnue de lui, poursuit quelque chose ; et le fait qu’il agit sous une contrainte rebelle à toute définition, n’altère pas nécessairement sa lucidité ; disons que c’est l’intuition qui s’exerce.
La prédestination et la prise de conscience de cette intuition, voilà qui définit l’orientation. La prédestination est donc bien une réalité. S’il croit en l’évolution, le matérialiste lui-même doit l’admettre.
Qu’en essence il n’y ait pas de différence entre le corps, l’âme et l’esprit ; que volume, masse et énergie forment une entité, ce sont là choses prouvées. Seuls les débiles peuvent encore douter que tout l’existant se manifestait déjà avant qu’ils ne prirent forme humaine.
Tout ce qu’on nomme métaphysique est, sans erreur possible, ultraphysique. Dimension, irréalité, transcendance et autres termes de ce genre, ne désignent en définitive que l’emballage d’un produit, sinon la manière dont ce produit est présenté.
La raison et ses ismes ne recouvrent que la mesure possible de compréhension de notre intellect – mais où reste la qualité?
L’extérieur et l’intérieur, le trois-dimensionel, l’ultraréalité, semblent différer. En volume, certes, mais leurs différences qualitatives n’affleurent pas à sa surface.
La pensée du rationaliste de salon reste diffuse. Elle s’attache à un détail et perd de vue l’ensemble. « Tout n’est que détail », sans doute que Descartes ne l(ignorait pas, car il avait l’esprit de synthèse ; par contre, Jean Paul Sartre, qui bénéficia de son exemple, n’a point la main fermement posée sur le gouvernail. De l’aveuglement au nihilisme, le sens du cosmique se perd et l’on atteint au point zéro. Mais la route remonte. Tout coule, du commencement au commencement, d’un à un.
Notre perception, notre participation, notre existence sont définies aussi bien de l’intérieur vers le dehors, que vice-versa. Tout est. Tout n’est que le nombre, tout n’est qu’un.
L’ultraréalité est l’unique dimension.
JEF VERHEYEN.
1962
Published in:
Ad Libitum, exhibition invitiation, 1962. Published alongside Verheyen's drawing Afnemend licht is toenemend donker (juni 1959 Tempelierenhof)
De Tafelronde Vol. 8 (1963) Nr. 3: 'ESSENTIALISME': p. 38-39.